Prédiction cristallographique
Introduction


Dès le XXème siècle, le monde a connu une remarquable accélération technologique. Ce phénomène s’amplifie avec la demande croissante des utilisateurs de technologies de pointe. Les grandes entreprises et le monde de la recherche se doivent d’innover pour répondre à cette demande et nos technologies ont besoin d’être constamment revisitées et améliorées. Cette accélération technologique se voit en particulier dans les progrès fulgurants de la performance informatique où les temps de calculs sont de plus en plus rapides et permettent à des outils d’analyse d’obtenir des résultats plus soignés et plus approfondis. La modélisation numérique en cristallographie devient donc plus accessible, elle donne accès à la découverte de nouvelles structures dont les propriétés physiques peuvent être prometteuses.

Les atomes dans un solide et leurs interactions dans le cadre de la mécanique quantique sont illustrés par des approches de simulations numériques de dynamiques moléculaires ab initio, dont bien entendu avant l’ère informatique les calculs se faisaient à la main. Cette simulation numérique permet de résoudre la répartition des électrons (densité électronique) entre les atomes. Ces électrons étant essentiellement responsables des interactions entre les atomes, cette simulation va finalement nous donner la cohésion, c'est-à-dire l’ensemble des forces qui unissent le solide, et ainsi comprendre la stabilité et le comportement mécanique de ce solide. Cette description ab initio du solide est donc très proche des premiers principes de l’hamiltonien où nous pouvons représenter schématiquement des probabilités de présence et de rencontre des électrons par des nuages électroniques autour des atomes (figure 1).


Figure 1 - Représentation de l’atome de carbone, composé d’un noyau de six neutrons et six protons. Les six électrons sont représentés par des probabilités de présence par le biais de nuages électroniques.

L’avantage de cette dynamique moléculaire ab initio est qu’elle commet très peu d’approximation. La difficulté réside dans le traitement des calculs de nature très complexe, il va falloir résoudre la localisation et la probabilité de présence (fonctions d’onde) de l’ensemble des électrons que nous rencontrons pour chacun des atomes. Au fur et à mesure que le nombre d’atomes croît, le nombre de degré de liberté dans le système augmente et la difficulté sur un plan numérique devient considérable.

Pour contourner cette difficulté, une théorie va être mise en place pour permettre d’alléger ces calculs. Elle est appelée la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT : « Density Functional Theory ») [1]. Elle sera développée par le biais de plusieurs approximations telles que l’approximation de Born-Oppenheimer, le théorème de Hohenberg-Kohn puis l’équation de Kohn-Sham. Cette DFT fera apparaître un potentiel effectif « amélioré » qui doit être déterminé par différentes méthodes semi-empiriques. Elles sont sélectionnées d’un point de vue pratique, en particulier pour l’étude des réseaux cristallins.

Grâce à l’ère informatique, la complexité des systèmes à résoudre ce calcul dans des temps de l’ordre de la seconde à la minute, la précision des résultats deviennent beaucoup plus accessibles. Des programmes tels que Abinit, Vasp, CP2k ou encore DFTB+ permettent d’effectuer des simulations atomistiques de l'état solide, liquide, moléculaire des systèmes cristallographiques ou biologiques, afin de calculer la densité électronique d’un solide, l’énergie du système et le tenseur de contrainte. La qualité et la précisions de ces résultats sont spécifiques selon la méthode utilisée pour chacun de ces programmes. Toutes ces informations donneront suite à la stabilité de la structure étudiée. Plus le solide est stable et plus il devient intéressant pour l’étude et la recherche de nouvelles propriétés physiques. Le plus souvent, la prédiction de structure des cristaux est effectuée en utilisant la DFT. C’est clairement la méthode préférée pour l’étude de l’ensemble du tableau périodique avec une excellente précision. Cependant, dès que le nombre d’atomes dans la cellule unitaire augmente, les simulations de DFT deviennent excessivement longues. Par conséquent, au cours de ce stage nous avons eu recours dans un premier temps à une solution moins contraignante, à savoir la théorie des liaisons fortes (LCAO : Linear Combination of Atomic Orbitals) telle qu’elle est transposée dans le logiciel DFTB+ [2]. A noter que le formalisme des liaisons fortes est une technique fiable et couramment utilisée pour les matériaux issus du carbone. Son utilisation permettra d’obtenir des résultats dans un délai très court avant d'affiner avec le formalisme de DFT.

Le carbone a depuis longtemps attiré l'imagination des chercheurs. S'il est l'élément clé de la vie, il trouve galement de nombreuses applications dans divers domaines de la technologie. La phase la plus stable du carbone est le graphite, jusqu'à des pressionsde 10 GPa (à température ambiante). Au dessus de cette pression, il subit des transformations de phase avec des structures cristallographiques indéterminées, faisant l'objet de nombreux travaux théoriques qui visent à identifier ces structures inconnues.

Nous nous intéresserons donc, pour illustrer cette technique de simulation, aux structures les plus stables du carbone à l’état solide, c'est-à-dire celles où l’énergie totale du système est la plus basse. De cette façon, nous avons effectué des simulations avec différents nombres d’atomes dans la cellule unitaire contenant 4, 6, 8, 10, 12, 14 ,16, 18, 20, 22 et 24 atomes avec de très hautes pressions allant de 20 GPa à 2 TPa. Tous les essais ont commencé à partir de structures aléatoires et nous utilisons ensuite un autre programme clé appelé Minima Hopping [3, 4]. C’est un algorithme efficace pour la prédiction de structures cristallines. Il est conçu pour prédire les structures de basse énergie d’un système donné uniquement avec la position des atomes. L’efficacité prédictive de cette approche a été démontrée dans un large éventail d’applications [5-8].

Différents scripts et programmes sont utilisés afin de définir la nature cristallographique des structures trouvées, telle que FINDSYM [9], permettant de nous informer sur la symétrie de ces structures. Certaines structures à 20 Gpa les plus prometteuses ont été affinées au niveau de la DFT avec l’approximation de la densité locale (LDA) en utilisant le code VASP [10] permettant ainsi d’assurer la convergence de l’énergie totale avec une précision supérieure à 0.01 eV par atome. Ces structures trouvées durant le stage ont été publiée dans une revue reconnue internationalement (Physical Review B) [11].



[1] : K. Burke 2007 The ABC of DFT Department of Chemistry, University of California, Irvine, CA 92697
[2] : B. Aradi, B. Hourahine, and T. Frauenheim 2004 DFTB+, a Sparse Matrix-Based Implementation of the DFTB Method J. Phys. Chem. A 111 5678
[3] : S. Goedecker 2004 Minima hopping: An efficient search method for the global minimum of the potential energy surface of complex molecular systems J. Phys. Chem. A 120 9911
[4] : M. Amsler and S. Goedecker 2010 Crystal structure prediction using the minima hopping method J. Phys. Chem. A 133 224104
[5] : M. Amsler, J. A. Flores-Livas, L. Lehtovaara, F. Balima, S. A. Ghasemi, D. Machon, S. Pailhès, A. Willand, D. Caliste, S. Botti, A. San Miguel, S. Goedecker, and M. A. L. Marques, 2012 Crystal. Structure of Cold Compressed Graphite Phys. Rev. Lett. 108 065501
[6] : K. Bao, S. Goedecker, K. Koga, F. Lancçon, and A. Neelov 2009 Structure of large gold clusters obtained by global optimization using the minima hopping method Phys.Rev. B 79 041405
[7] : J. A. Flores-Livas, M. Amsler,T. J.Lenosky,L.Lehtovaara, S. Botti, M. A. L. Marques, and S. Goedecker 2012 High-Pressure Structures of Disilane and Their Superconducting Properties Phys. Rev. Lett. 108 117004
[8] : M. Amsler, J. A. Flores-Livas, T. D. Huan, S. Botti, M. A.L. Marques, and S. Goedecker 2012 Novel Structural Motifs in Low Energy Phases of LiAlH4 Phys. Rev. Lett. 108 205505
[9] : H. T. Stokes and D. M. Hatch 2005 FINDSYM: program for identifying the space-group symmetry of a crystal J. Appl. Crystallogr. 38 237
[10] : G. Kresse and J. Furthmüller 1996 Efficiency of ab-initio total energy calculations for metals and semiconductors using a plane-wave basis set Comput. Mater. Sci. 6 15
[11] : S. Botti, Maximilian Amsler, J. A. Flores-Livas, P. Ceria, S. Goedecker, and M. A. L. Marques 2013 Carbon structures and defect planes in diamond at high pressures Phys. Rev. B 88 014102

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