L'unité du
mètre SI

« Le mètre est la longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumière pendant une durée de 1/299 792 458 de seconde. »

BIPM


Avant la création du Système International d’unités, la définition du mètre a pris naissance lors de la création d’un système de mesure unifié en 1799 par la Commission des poids et mesures, appelé le système métrique [1]. Il existait avant ce système métrique de nombreuses unités de mesure de longueur (point, ligne, pouce, pied, brasse, perche, lieue, etc.)[2] où les conversions étaient souvent sujets de confusions. Pour des besoins d’uniformité et d’un système décimal pour faciliter les subdivisions, c’est en 1791 que la première définition du mètre fut établie par la longueur d’un quart de méridien terrestre divisée par dix millions. Ce quart de méridien terrestre était évalué sur un arc terrestre séparant Dunkerque à Barcelone recouvert par 115 triangles cartographiés (procédé de triangulation de Delambre et Méchain) établis grâce à l’utilisation de règles de Borda1 pour enregistrer avec un grand nombre de toises les distances entre chaque sommet de triangles et de cercles répétiteurs2 pour enregistrer les angles. Ces dispositifs étaient disposés en France et en Espagne autour du méridien afin de mettre en place une chaîne de triangles de Dunkerque jusqu’à Barcelone. Chaque règle de Borda était étalonnée grâce à la toise du Pérou3 [3], qui fut l’étalon primaire pour étalonner chaque règle de Borda ayant pour longueur deux toises. Par trigonométrie ils définirent l’arc par 551 584.7 longueurs de toises. Puis par proportionalité un quart de méridien terreste équivalait à 5 130 740 longueurs de toises (en prenant en compte comme latitude à 45°). Ils remontèrent ainsi à dix millionièmes de la distance du quart méridien terrestre donnant la première définition de la longueur du mètre par le biais de 443.296 lignes (graduation) de la toise du Pérou. Afin de familiariser l’usage du mètre, en 1796 l’agence des poids et mesures installa dans des lieux dans Paris seize étalons de un mètre en marbre [4]. C’est ensuite en 1799 que la Commission des poids et mesures fixa officiellement le système métrique avec la longueur du mètre étalon enregistrée dans trois étalons de référence en platine. Par la suite, le mètre national du système métrique fut reconnu en 1875 par dix-sept états (naissance du CIPM) qui mirent en place le BIPM ainsi que des laboratoires de métrologie. Ils officialisèrent ainsi le mètre international en 1889 avec la 1re CGPM [1], en mettant en place des étalons internationaux en platine iridié, conservés au BIPM, où leurs longueurs sont comparées aux étalons nationaux comme référence [5]. Ces étalons en platine iridié avaient une meilleure résistance dans le temps à la corrosion, une dureté plus élevée et une plus faible dilatation.

Cette réalisation du mètre, définie par la longueur d’un quart de méridien terrestre divisée par dix millions, permettait d’avoir une définition suffisamment précise pour réaliser un mètre étalon n’importe où et n’importe quand sur Terre. Cependant, la qualité de sa réalisation ainsi que sa traçabilité étaient-elles rigoureuses ? Des incertitudes de mesure pourraient être liées à la qualité de la toise du Pérou utilisée comme étalon primaire ou aux toises utilisées comme référence pour définir la longueur de l’arc, leur corrosion dans le temps pourrait modifier leur longueur. De même que la qualité des mesures faites sur les 115 triangulations par le biais du cercle répétiteur pouvait être biaisée par la totalité des angles dans chaque triangle qui ne ferait pas correctement 180°. Egalement les règles de Borda accompagnées par des dilatations pouvaient induire des erreurs. Enfin, la latitude entre Dunkerque et Barcelone étaient peut-être erronée suite à l’effet de l’aplatissement du globe terrestre. Par ailleur, l’étalon du mètre international est obtenu par comparaison du mètre national à des erreurs de 0.01 millimètre, l’ordre de grandeur de précision est donc limité. Nous avions donc à cette époque un étalon de référence définissant le mètre, mais qu’en est-il de cette définition du mètre sur un autre méridien du globe terrestre. C’est plus tard, en 1896 avec les progrès technologiques, qu’il fut constaté que le dix-millionième du quart du méridien terrestre possède en réalité 0.2 mm de plus que le mètre étalon du BIPM [6]. Par conséquent, il est essentiel de maîtriser la chaîne de traçabilité afin de définir des incertitudes de mesure. Il est donc important de mettre en place des laboratoires de métrologie afin de réaliser ces prototypes et de concevoir le mètre étalon grâce à la mise au point d’un appareillage de mesure caractérisé, maitrisé et reproductible.

La précision et la qualité permises par ces étalons matériels sont devenues insuffisantes avec le besoin de précision grandissant dans le domaine scientifique. En 1887, Albert A. Michelson propose d’utiliser des interféromètres optiques pour mesurer les longueurs d’onde et ainsi remonter au mètre. Aprés plusieurs années de discussion par le CIPM, la définition du mètre a été remplacée en 1960 lors de la 11e CGPM [7] en utilisant la longueur d’onde d’une radiation du Krypton 86 comme étalon (couche électronique 2p10 et 5d5), par le biais de comptage de franges (longueur d’onde) en utilisant des interféromètres et un microscope mobile en translation. Ainsi le mètre est redéfini comme étant égal à 1 650 763.73 fois la longueur d’onde de la radiation du Krypton 86 dans le vide. Par conséquent, le mètre étalon est dématérialisé et n’utilise plus un prototype comme étalon, mais directement un phénomène physique offrant une meilleur répétabilité et donc une meilleur qualité de mesure, où l’incertitude relative était caractérisée à 10−8 (100 nm m−1). L’incertitude relative liée au défaut de reproductibilité a été vérifiée plus tard et ne dépassait pas finalement les 4×10−9 (4 nm m−1). A partir de cette 11e CGPM, le Système international d’unité (SI), successeur du système métrique, est officiellement né.

Par la suite, durant la course à l’évaluation de la vitesse de la lumière, le mètre étalon n’était plus suffisament précis pour évaluer cette vitesse déduite à des erreurs de 20 cm s−1. Avec l’arrivée de l’horloge atomique4 [8], une nouvelle solution a permis de renverser la définition en ne définissant plus la vitesse de la lumière par rapport au mètre, mais de définir le mètre par rapport à la vitesse de la lumière. En 1983 à la 17e CGPM [9], la définition du mètre a été redéfinie officiellement comme la longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumière pendant une fraction précise de seconde qui correspond à 1/299 792 458 secondes (où c0=299 792 458 m s−1 correspond à la constante de célérité). La réalisation de cette nouvelle définition du mètre peut être mise en pratique par deux différents procédés. En utilisant le temps de vol pour les longues distances où une pulsation de lumière est envoyée au loin pour être réceptionnée. Le temps mis par la lumière pour traverser la distance, en seconde, est multiplié par la vitesse de la lumière (soit c0 = 299792458 mètre par seconde), et donne ainsi la longueur en mètre l = c0 ×t. A une certaine distance l’effet de la relativité restreinte doit être pris en compte [10]. La mise en pratique du deuxième procédé, utilisée dans nos travaux, se fera en utilisant la technique de l’interférométrie qui permet de mesurer une longueur à partir d’une source lumineuse de longueur d’onde étalonnée et stable. Pour réaliser un comptage de franges, les lasers utilisés fournissent des fréquences optiques très stables, étalonnés à des absorptions de référence recommandées par le CIPM [11-13]. De 2003 à maintenant, le CIPM a remplacé à plusieurs reprises la liste de radiations recommandées pour obtenir des fréquences de référence optiques de meilleur qualité. Les fréquences lasers sont généralement étalonnées à des erreurs de l’ordre du femtomètre (10−15 m).

Dans le cas de l’AFM métrologique du LNE, les quatre interféromètres sont des sources lasers He-Ne étalonnées directement dans les laboratoires du LNE. L’AFM métrologique va donc réaliser des mesures à l’échelle du nanomètre pour lesquelles la traçabilité au mètre SI est assurée grâce aux comptages de franges des interféromètres. Mais pour être pleinement opérationnel, notre AFM métrologique doit fournir de toute évidence des mesures avec une incertitude de mesure associée qui doit être parfaitement maitrisée au sens quantitatif. La traçabilité est une notion importante pour un AFM métrologique où toutes les chaînes de raccordement et d’étalonnage pour atteindre la mesure du nanomètre doivent être maîtrisées parfaitement. Par conséquent, l’ensemble des composants du mAFM qui rentrent en jeu dans la mesure de position de l’échantillon doivent être étudiés pour fournir un bilan d’incertitude.


[1] : 1e CGPM 1890 BIPM 34
[2] :Alder K 2002 The Measure of All Things : The Seven-Year Odyssey and Hidden Error That Transformed the World (Free Press) ISBN 074321675X
[3] : Société belge d'astronomie, de météorologie et de physique du globe 1923 Ciel et terre vol. 39
[4] : Gerbaux F 1904 Le mêtre de marbre de la rue de Vaugirard (Typ. Firmin-Didot et cie)
[5] : Page B L 1955 Calibration of meter line standards of length at the national bureau of standardsJ. Res. Natl. Bur. Stand. 54 1–14
[6] : Service géographique de l'armée 1870 à 1896
[7] : 11e CGPM 1960 BIPM 15
[8] : 13e CGPM 1967 BIPM 14-15
[9] : 17e CGPM 1983 BIPM 14
[10] : Guinot B 1997 Application of general relativity to metrology Metrologia 34 261–290
[11] : Wallard A 2004 News from the BIPM—2003 Metrologia 41 99–108
[11] : Wallard A 2006 News from the BIPM—2005 Metrologia 43 175–182
[11] : Quinn T J 2003 Practical realization of the definition of the metre, including recommended radiations of other optical frequency standards (2001) Metrologia 40 103–133

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